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Le vieillard et le papillon


Il était une fois un vieillard qui passait son temps à broyer du noir. Il se levait plus tôt le matin pour pouvoir en broyer davantage. Comme dans un cocon, il vivait isolé dans sa petite maison, de peur d'être contaminé par ce nouveau monde qui lui était étranger. Un monde où l'on envoie les chiens chez le coiffeur et les puces dans les ordinateurs… Dans mon temps dit-il: C'est les bœufs qui avaient des anneaux dans le nez, pas les jeunes demoiselles. Dans mon temps, on connaissait le nom de nos voisins, on se donnait la main sans avoir peur d'attraper des microbes. Dans mon temps, on n'avait pas peur d'être attaqué, on laissait les portes débarrées… Dans mon temps…

Oui, notre vieillard avait du temps pour ses souvenirs passés, mais il négligeait d'en cultiver des nouveaux. Heureusement le temps fait bien les choses, si on lui en laisse le temps…

Alors que notre vieil ami traversait un jardin de fleurs en se disant: Que dans son temps, les pissenlits n'étaient pas pourchassés mais faisaient la joie des enfants… voilà qu'un magnifique papillon vint se poser sur une délicate ancolie timidement rosée. La beauté de ce papillon attira soudainement son attention. Que tu es chanceux petit papillon, de voltiger ainsi de fleurs en fleurs, sans avoir peur que le ciel te tombe sur la tête! Le papillon qui remarqua le vieil homme vint se poser sur son épaule, tout près de son oreille poilue… Bonjour! Est-ce que tu veux faire la conversation? Dans mon temps, les papillons ne parlaient pas aux vieux messieurs, ils ne faisaient qu'embellir le monde! Oh! Comme tu parles bien, embellir le monde c'est une bonne raison d'être. Toi «vieux monsieur» qu'est-ce que tu fais pour embellir le monde? Moi, je l'aime pas ce monde-là, j'aime pas ce qu'il est devenu… Le papillon surpris par ses propos lui demanda: Aimes-tu ce qu'il pourrait devenir? Dans mon temps, les papillons nous achalaient pas avec la philosophie on avait les curés pour ça… Tu sais vieil homme, la vie n'est pas facile pour personne et cela même pour les papillons. Toute ma courte vie, je dois subir des transformations. J'étais une larve qui est devenue chenille… Je me promenais en me dandinant sur les branches des arbres. Je n'attirais pas les regards des gens mais je menais une vie paisible. À peine avais-je pris mon rythme de croisière, que je devais m'enfermer dans un cocon. On m'a raconté qu'un entomologiste amateur s'était mis en tête de faire l'élevage des papillons. Il était si touché par les difficultés que nous avions de sortir de notre cocon, qu'un jour il déchira une enveloppe avec son ongle afin que le captif puisse s'échapper sans effort. Ce papillon-là n'a jamais pu se servir de ses ailes. Il faut accepter de mourir à soi-même pour renaître et le temps doit faire son œuvre. Comme le disait le roi David «j'aime mieux me fier à Dieu qu'aux hommes».

Moi, le papillon, je n'aime pas faire la leçon, mais je dirai quand même que pour bien vivre, il faut sortir de son cocon. Il faut accepter de subir diverses épreuves et transformations. Il faut faire des efforts même si c'est parfois difficile et douloureux. Ma vie est si éphémère, je ne peux pas profiter longtemps de ma beauté. Mais toi vieux monsieur tu es autrement plus beau et tu es fait pour durer… Tu es appelé à la vie éternelle! Arrêtes de regretter le passé et sort de ton cocon, pour découvrir la beauté de ce monde. Déploies tes ailes de générosité, de tendresse, d'entraide, d'écoute et d'accueil, ainsi tu pourras avec moi embellir le monde.

Notre vieillard cessa en ce jour de broyer du noir et il décida avant de s'envoler pour l'au-delà, de dévoiler toutes les couleurs qu'il cachait sous son vieux manteau de peurs et de regrets. Dans mon temps dit-il, on n'avait pas compris tout ce que Dieu cache de beau dans le monde présent.

Carmelle Laplante


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